L’art au-delà de l’Histoire: une réflexion sur les idées de Maurice Blanchot

Par César


Introduction

Dans un monde où la technologie redéfinit sans cesse les contours de notre réalité, l’œuvre de Maurice Blanchot apparaît comme un phare dans la brume de la modernité. Son exploration de l’art en tant qu’entité située hors du temps et son regard sur le passé, l’origine ou l’hétéronomie, offrent une perspective rafraîchissante et nécessaire sur notre ère de progrès incessant.

En effet, alors que nous assistons à l’effondrement du système monétaire actuel, centré sur le dollar comme monnaie de réserve, la monnaie numérique de banque centrale (MNBC) interroge. Est-elle plus sûre? Ne nous soumet-elle pas à une servitude nouvelle? 

C’est là où, étonnement, l’oeuvre de Blanchot nous éclaire sur la notion même de la valeur à travers sa propre réflexion sur l’oeuvre d’art. D’ailleurs, il établit lui-même un parallèle dans ce sens en expliquant que l’argent était « d’abord [un] métal pesant, jusqu’à cette métamorphose qui fait de lui une vibration insaisissable, par quoi toutes les réalités du monde, devenues objet, sont elles-mêmes, dans le mouvement du marché, transformées, volatilisées en moments irréels toujours en déplacement » (Maurice Blanchot, L’espace littéraire, Paris: Gallimard, 1955, p.301).


L’origine

Selon Blanchot, inspiré par Hegel, l’oeuvre d’art ne participe pas au travail de l’Histoire. Il s’agit plutôt d’un témoignage, un vestige d’un temps révolu. Cette caractéristique le rend unique dans le paysage culturel, où tout semble éphémère et en constante évolution. L’art, en se figeant dans le passé, offre un espace pour la contemplation et la réflexion, loin de l’agitation de la modernité. 

« Mais, nous rappelle Blanchot, ce renversement n’est aussi rien de plus que le moyen « rusé » dont le monde se sert pour se rendre plus stable et plus réel. Aide d’ailleurs limitée, qui n’est importante qu’à certains moments, que l’histoire plus tard rejette, quand, devenue elle-même visiblement la négation au travail, elle trouve dans le développement des formes techniques de la conquête la vitalité dialectique qui l’assure de sa fin. » (Ibidem, pp.290-291)

C’est là où la MNBC intervient comme une déchirure où le dialogue devient possible, comme le lecteur une possibilité pour le créateur. « Entendre, parler ont en l’œuvre, écrit Blanchot, leur principe dans la déchirure, dans l’unité déchirée qui seule fonde le dialogue. » (Ibidem, p.305)

C’est que le dialogue n’est possible qu’à travers la détresse de cette déchirure qui, sans cesse, recrée la duplicité, la « puissance du négatif ». Car, au fond, Blanchot ne dit-il pas que la littérature, finalement, consiste en un jeu de dupes? 

« [L’]erreur nous aide. » (Ibidem, p.336)


L’art comme dehors sans intimité 

Blanchot souligne que l’art relève du dehors de l’intimité, une exposition au risque. En effet, dans une société où l’efficacité et l’utilité sont valorisées, l’art devient comme une expérience de la mort. Il est un lieu où l’on se livre à la disparition du « Je ». Cette perspective fait de l’œuvre d’art une expérience radicale où l’on peut se reconnecter avec son Moi intérieur, mais un Moi qui - paradoxalement - tend à disparaître à mesure que l’on se rapproche du gouffre vertigineux de la création. 

Voici ce que nous dit Blanchot: 

« L’œuvre, pour l’artiste, est toujours infinie, non finie et, par là, le fait que celle-ci est, qu’elle est absolument, cet événement singulier se dévoile comme n’appartenant pas à la maîtrise de l’accomplissement. C’est d’un autre ordre. » (Ibidem, p.298)

C’est un dialogue où la coupure est fondamentale, car elle permet le désir, elle est désir. Qu’entend-t-on par là? Le désir a nécessairement à voir avec l’objet, l’objet de désir. D’où la réflexion sur l’œuvre d’art menée par Blanchot, qui interroge la valeur intrinsèque de l’œuvre avant de se rendre compte que l’œuvre est elle-même une abstraction. C’est moins qu’une image, c’est une chant, une vibration. 


La lecture de la littérature 

L’art comme un plaisir en soi est la vision qui domine à notre époque. Blanchot suggère pourtant que la lecture nous fait rentrer dans un dialogue infini avec une œuvre dont l’écart, la rencontre impossible, ouvre paradoxalement sur la créativité, une créativité qui nous est nécessaire par essence. Or, dans une ère caractérisée par la recherche constante de la productivité, l’art nous rappelle l’importance de prendre le temps pour oublier le temps et contempler une œuvre qui n’est pas une œuvre. 


Conclusion

L’œuvre de Maurice Blanchot nous invite à repenser notre rapport à l’art et à la créativité. Dans un monde en rapide mutation, l’art nous offre une pause, un moment de calme dans la tempête de la modernité. Il nous rappelle l’importance de l’intime, du personnel et du plaisir pur dans l’expérience humaine. En tant que tels, l’art et l’engagement avec lui deviennent non seulement des actes de résistance contre l’obsolescence de l’homme face à la technologie, mais aussi des affirmations de notre humanité.


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