Un appel dans la nuit

La nuit enveloppait Lausanne d'un voile sombre, percé par les lumières jaunâtres des réverbères qui se reflétaient dans les pavés humides des ruelles désertes. Alex Li, le pas léger mais l'esprit chargé, s'éloignait du café où l'artiste Yan Haltey avait tenu son auditoire en haleine. L'écho de ses réflexions accompagnait encore Alex, quand son téléphone vibra dans la poche de son manteau.

C'était Lorella Forte. Sa voix, à travers le petit haut-parleur, semblait venir de loin, mais portait en elle une clarté et une intensité qui contrastaient avec le brouillard nocturne.

"Alex, tu as un moment ?" avait-elle demandé, sans préambule, consciente que les secondes partagées à ces heures tardives valaient de l'or.

"Pour toi, toujours", avait répondu Alex, esquissant un sourire dans l'obscurité, reconnaissant dans cette question l'annonce d'une réflexion qu'il ne voulait manquer sous aucun prétexte.

Ils s'étaient engagés alors dans une conversation où les mots, choisis avec soin, dansaient autour de l'idée d'une performance artistique prévue pour le mois de mai. Une performance qui, espéraient-ils, ébranlerait les murs invisibles entre l'art et le spectateur, entre le message et sa réception.

Lorella avait partagé sa vision, inspirée mais pragmatique, de ce que pourrait être cet événement : "Je veux que ce soit plus qu'une performance. Je veux créer un espace où l'art parle, où il défie, où il questionne. Un acte de présence, Alex, dans ce monde où l'absence devient la norme."

Alex avait écouté, hochant la tête dans la nuit comme si Lorella pouvait le voir. "Je pense que Yan Haltey a ouvert une porte ce soir. Son discours... Il y a une urgence dans sa manière de concevoir l'art, une urgence que nous devons saisir."

"Il s'agit de capter cette urgence, Alex, de la modeler et de la projeter. Notre performance doit être le miroir de cette nécessité."

Le silence avait suivi ses paroles. Un silence chargé, pendant lequel la ville semblait retenir son souffle, attendant la suite.

"Nous devons être audacieux, Lorella. Faire en sorte que chaque geste, chaque mot porté par l'artiste résonne avec la force d'un cri dans le vide. Que cela soit notre manifeste."

L'échange avait continué, tissant entre eux un projet aux contours encore flous mais à l'ambition claire. Un projet où l'art ne serait pas un simple témoin de son temps mais un acteur de changement, un catalyseur de réflexion.

En raccrochant, Alex avait senti une énergie nouvelle circuler en lui. Les idées discutées avec Lorella Forte n'étaient pas de simples paroles évaporées dans la nuit ; elles étaient le ferment d'une action à venir, d'un moment où l'art et la vie se rencontreraient, indissociables, dans les rues de Lausanne.

La nuit était toujours aussi noire, mais à l'intérieur d'Alex, une lumière s'était allumée, illuminant le chemin jusqu'à ce mois de mai où tout prendrait sens.